Joseph Beuys, Bathroom of Circe, 1958
Dans l'espace minime
Je m'éloigne peu souvent de cet endroit comme si l'enfermement dans un espace minime te restituait de la réalité, puisque tu y vivais avec moi.
A sa descente, et comme à sa montée, le soleil pénètre, s'il y a du soleil, et suit son chemin reconnaissable, sur les murs, les planchers, les chaises, courbant, couchant les portes.
Je suis là beaucoup, à le suivre des yeux, à interposer ma main, sans rien faire, penser, complément d'immobilité.
Tu n'habites pas ces pièces, je ne pourrais dire cela, je ne suis pas hanté de toi, je n'ai plus, maintenant, que rarement l'hallucination nocturne de ta voix, je ne te surprends pas en ouvrant la porte, ni les yeux.
Cela qui m'occupe, entièrement, et me détourne du dehors, de m'éloigner, de quitter les chambres, les mouvements de soleil, c'est l'espace, l'espace seul, tel que tu l'avais empli d'images, de tes étoffes, de ton odeur, de ta sombre chaleur, de ton corps.
Disparaissant, tu n'as pas été mise ailleurs, tu t'es diluée dans ce minime espace, tu t'es enfouie dans ce minime espace, il t'a absorbée.
La nuit sans doute, si je m'éveille dans la nuit, avec l'angoisse de poitrine, la fenêtre énorme, à me toucher les yeux, bruyante, la nuit sans doute, je pourrais te donner forme, parler, te refaire, un dos, un ventre, une nudité humide noire, je ne m'y abandonne pas.
Je m'abandonne à l'allongement des fenêtres, de l'église, au golfe des toits à gauche de l'église, où se lancent les nuages, soir après soir.
Je laisse le soleil s'approcher, me recouvrir, s'étreindre, laissant ta chaleur un moment, pensant, sans croire, ta chair remise au monde, ravivée.
A sa descente, et comme à sa montée, le soleil pénètre, s'il y a du soleil, et suit son chemin reconnaissable, sur les murs, les planchers, les chaises, courbant, couchant les portes.
Je suis là beaucoup, à le suivre des yeux, à interposer ma main, sans rien faire, penser, complément d'immobilité.
Tu n'habites pas ces pièces, je ne pourrais dire cela, je ne suis pas hanté de toi, je n'ai plus, maintenant, que rarement l'hallucination nocturne de ta voix, je ne te surprends pas en ouvrant la porte, ni les yeux.
Cela qui m'occupe, entièrement, et me détourne du dehors, de m'éloigner, de quitter les chambres, les mouvements de soleil, c'est l'espace, l'espace seul, tel que tu l'avais empli d'images, de tes étoffes, de ton odeur, de ta sombre chaleur, de ton corps.
Disparaissant, tu n'as pas été mise ailleurs, tu t'es diluée dans ce minime espace, tu t'es enfouie dans ce minime espace, il t'a absorbée.
La nuit sans doute, si je m'éveille dans la nuit, avec l'angoisse de poitrine, la fenêtre énorme, à me toucher les yeux, bruyante, la nuit sans doute, je pourrais te donner forme, parler, te refaire, un dos, un ventre, une nudité humide noire, je ne m'y abandonne pas.
Je m'abandonne à l'allongement des fenêtres, de l'église, au golfe des toits à gauche de l'église, où se lancent les nuages, soir après soir.
Je laisse le soleil s'approcher, me recouvrir, s'étreindre, laissant ta chaleur un moment, pensant, sans croire, ta chair remise au monde, ravivée.
Jacques Roubaud
No espaço mínimo
Quase não me distancio deste lugar como se o encerramento num espaço mínimo te restituísse à realidade, já que nele vivias comigo.
No declive, como no aclive, o sol penetra, se há sol, e segue seu usual caminho, sobre as paredes, o piso, as cadeiras, vergando, deitando as portas.
Lá permaneço bastante, seguindo-o com os olhos, interpondo a mão, sem nada fazer, pensar, complemento de imobilidade.
Não habitas estes compartimentos, não se pode assim dizer, não sou assombrado por ti, agora não possuo mais, a não ser raramente, a alucinação noturna de tua voz, já não te pego abrindo a porta ou os olhos.
Isso me ocupa, totalmente, e me desvia do ar livre, de me distanciar, de sair dos quartos, os movimentos do sol, é o espaço, o só espaço, no modo como o havias ocupado de imagens, de teus panos, de teu cheiro, de tua sombra quente, do teu corpo.
Ao sumir, não foste posta alhures, mas diluída neste mínimo espaço, afundada neste mínimo espaço, ele te sugou.
À noite sem dúvida, se acordo à noite, com angústia no peito, a janela enorme, a me tocar os olhos, ruidosa, à noite sem dúvida, posso te dar uma forma, falar, te recompor, dorso, ventre, uma nudez úmida negra, não me rendo a isso.
Rendo-me ao alongamento das janelas, da igreja, ao golfo de telhados à esquerda da igreja, onde se lançam as nuvens, tarde após tarde.
Deixo vir o sol, me encobrir, apagar-se, largar um pouco de teu calor, pensando, sem crer, tua carne reposta no mundo, reanimada.
Não habitas estes compartimentos, não se pode assim dizer, não sou assombrado por ti, agora não possuo mais, a não ser raramente, a alucinação noturna de tua voz, já não te pego abrindo a porta ou os olhos.
Isso me ocupa, totalmente, e me desvia do ar livre, de me distanciar, de sair dos quartos, os movimentos do sol, é o espaço, o só espaço, no modo como o havias ocupado de imagens, de teus panos, de teu cheiro, de tua sombra quente, do teu corpo.
Ao sumir, não foste posta alhures, mas diluída neste mínimo espaço, afundada neste mínimo espaço, ele te sugou.
À noite sem dúvida, se acordo à noite, com angústia no peito, a janela enorme, a me tocar os olhos, ruidosa, à noite sem dúvida, posso te dar uma forma, falar, te recompor, dorso, ventre, uma nudez úmida negra, não me rendo a isso.
Rendo-me ao alongamento das janelas, da igreja, ao golfo de telhados à esquerda da igreja, onde se lançam as nuvens, tarde após tarde.
Deixo vir o sol, me encobrir, apagar-se, largar um pouco de teu calor, pensando, sem crer, tua carne reposta no mundo, reanimada.
Nota – “No Espaço Mínimo” é um dos poemas que integram o livro Quelque chose noir [Algo de Negro (ou Qualquer coisa negra)], escrito por Jacques Roubaud em luto pela perda da esposa. A série de poemas do livro compõe uma das mais pungentes elegias contemporâneas.
* * *
Quando leio essas coisas lembro-me que realmente preciso retomar as aulas de francês! Ainda bem que temos as suas impecáveis traduções.
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